mercredi 12 janvier 2011

La Kabbale. Deuxième partie

Concepts fondamentaux de la kabbale juive

L’Arbre des sefirots

L’« Arbre des séfirots », aussi appellé « Arbre de la Vie », que l’on retrouve dans la tradition kabbalistique est une représentation condensée et schématique de la structure de l’homme, de l’univers et de la Divinité. Cet Arbre est divisé en dix parties différentes appelées sefirots (sefira au singulier). Ces dix parties sont reliées entre elles par vingt-deux liens auxquelles correspondent les vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque. En additionnant les sefirots aux liens qui les unissent, il en résulte ce que les kabbalistes nomment les trente-deux « sentiers » ou « voies de la sagesse ». D’après la kabbale, le nombre dix représente la perfection, d’où la division de l’Arbre en dix parties. Ce sont donc dix « régions », « lumières » ou « aspects » de la manifestation de Dieu qui sont ainsi représentés.  À ces dix « régions » correspondent dix attributs de l’homme qui représente le microcosme de la création.

Au sommet de cet Arbre se trouve une première « région » ou sefira appelée Kéther (Couronne). C’est la première manifestation de Dieu qui contient en elle, en puissance, tous les attributs de la Divinité. La deuxième sefira, émanée de la première, est appellée Hockmah (Sagesse). Vient ensuite Binâh  (Intelligence), puis, dans l’ordre: Hessed (Grâce), Gébourah (Force), Tiphéret (Beauté), Netzah (Triomphe), Hod (Gloire), Yésod (Fondement) et enfin Malkouth (Règne).

Dans chacune de ces manifestations, Dieu se révèle sous un nom différent. La méditation de ces noms divins représente un exercice hautement sacré dont les effets sont, aux yeux des kabbalistes, des plus efficaces en ce qui à trait à l’élévation de l’âme. En partant de la première sefira ces différents noms sont : Éhié , Iah, Jéhova, El, Elohim Gibor, Éloha Va Daath, Jéhova Tsébaoth, Élohim Tsébaoth, Chaddaï El Haï et Adonaï Melech.

Ces dix sefirots sont regroupés, de façon verticale, en trois piliers. Il y a le pilier central, dit de l’équilibre, dans lequel on retrouve les séphirots Kéther, Tiphéret, Yésod et Malkouth. Puis de part et d’autre, il y a le pilier de la rigueur appellé Boaz ( Binah, Gébourah, ,Hod ) et celui de la clémence appellé Yakîn ( Hockmah, Hessed, Netzah ). Ces deux piliers symbolisent la polarité des forces « masculines » et « féminines » qui régissent l’homme et l’univers. Ainsi, divers regroupements peuvent être faits pour mettre en valeur un aspect particulier de l’Arbre de vie.

Un autre regroupement, horizontal cette fois, met en relief les différents « degrés » de la manifestation de la création ou de la Divinité. Le regroupement des trois séfirots supérieurs (Kéther, Hockmah et Binah) correspond au monde des émanations (Olam Aziluth). Viennent ensuite les séfirots Hessed, Gébourah et Tiphéret qui composent le monde de la création (Olam Briah). Les séfirots Netzah, Hod et Yésod représentent le monde de la formation (Olam Yétsirah) et finalement la dernière séfira Malkhout est associée au monde matériel (Olam Assiah).

Aïn Soph Aour           

« Au-delà » de cet Arbre, c’est-à-dire avant toute manifestation (puisque l’* Arbre des sefirots + représente l’aspect émané ou manifesté de la Divinité – selon les écoles de pensée-), se trouve une « région » que les kabbalistes ont nommés Aïn Soph Aour  (lumière sans fin). Cette même « région » est parfois subdivisée en trois « régions », à savoir Aïn Soph Aour (lumière sans fin), Aïn Soph (sans fin) et Aïn (sans). Aïn représente l’absolue transcendance qu’il nous est impossible de concevoir. C’est la Divinité avant-même qu’elle ne se manifeste. Sur le rapport existant entre Aïn Soph et Kéther, la première manifestation de Dieu, on retrouve dans le Zohar ce passage :

À l’intérieur de la Pensée, il n’y a personne qui puisse concevoir quoi que ce soit ; à plus  forte raison il est impossible de connaître l’Infini (Aïn Soph) qui est impalpable ; toute question et toute méditation resteraient vaines pour saisir l’essence de la Pensée suprême, centre du tout, secret de tous les secrets, sans commencement et sans fin, infini, dont on ne voit qu’une petite parcelle de lumière, telle que la pointe d’une aiguille.[1]

Ce qui se manifeste de la Divinité (la création symbolisée par l’Arbre des sefirots) n’est qu’une infime partie d’Elle-même. Le Dieu non manifesté est en fait l’Infini ou l’Absolu qui alimente de sa pure essence la manifestation substantielle de la Divinité. Aïn Soph, c’est  la Réalité qu’on ne peut décrire ni comprendre ; c’est le Dieu inconcevable et inexprimable parce que c’est le Dieu non-manifesté. C’est le Dieu de la théologie négative qui n’est jamais ce que l’on dit de Lui puisqu’il est toujours au-delà des descriptions, de la pensée et du langage humain qui d’une certaine façon, saisissent ce qu’ils décrivent. Or Dieu, c’est l’insaisissable. C’est l’Infini qui transcende tout concept, c’est le tout-Autre.

Ainsi, le Dieu manifesté (la création) serait la manifestation substantielle de l’Absolu (Aïn Soph) : il en serait une émanation. La question de savoir si la création (et donc les sefirots) est une émanation ou une manifestation de Dieu à été un enjeu majeur dans l’histoire de la kabbale. Les kabbalistes étaient divisés sur la question puisque pour certains, le fait d’affirmer que la création était la manifestation de Dieu impliquait une forme de négation de son absolu transcendance sur le monde créé. Pour d’autres, Baal Shem Tov (fondateur du mouvement hassidique) en l’occurrence, le fait que la création soit la manifestation de Dieu lui procure une dignité et un caractère sacré que tant à nier la position adverse. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue analogique, nous pourrions dire que la création est un « feu » qui pour brûler à besoin d’« oxygène », c’est-à-dire de l’essence d’Aïn Soph. Vu sous cet angle, le « buisson ardent » pourrait-il être envisagé comme une métaphore de la création ? Affirmatif répondrait sans doute un kabbaliste !

Les mystères de la Torah

Pour les kabbalistes la Torah revêt un caractère hautement sacré puisqu’elle est considérée comme la révélation de la Dieu Lui-même. Cependant, à l’instar du judaïsme « exotérique », les kabbalistes considèrent la Torah écrite comme le degré le plus concret de cette autorévélation de Dieu. « Au-delà » de la Torah écrite existent encore deux autres aspects encore plus fondamentaux que l’on pourrait qualifiée de « cosmique » et « spirituelle ».  Puisque la Torah est l’autorévélation de Dieu, celle-ci ne saurait se limiter à un simple livre, si divin soit-il.

Voilà pourquoi les kabbalistes envisagent d’abord la Torah dans son aspect spirituelle qui est la lumière divine qui éclaire les mondes supérieurs. À leurs yeux, la Torah est d’abord une lumière divine qui éclaire les « cieux » et qui doit éclairer également l’âme humaine.  Dieu se révèle d’abord par la lumière divine qui lui sert à la fois de « vêtement » et de « voile ».

Ensuite, la création dans son ensemble (à savoir l’univers) est envisagée comme la Torah « cosmique ». Dieu se révèle d’abord par la lumière et ensuite, pour les créatures, par sa création. Tout œuvre porte en elle les caractéristiques de son auteur. Ainsi la création est-elle envisagée comme la révélation « naturelle » de Dieu qui se dévoile à travers celle-ci. Le véritable scribe est celui qui peut « lire » dans le « Livre de la nature vivante » et qui peut voir briller, comme à travers un voile, la lumière de Dieu.





[1] Sepher Ha-Zohar [...]  p.129

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